Les culotteurs de pipe de la province de Luxembourg sont une espèce en disparition, même si j’en ai moi-même connu lorsque j’étais petit.

Une pipe neuve, n’oubliez pas que fumer est très nocif pour votre santé, se doit d’être culottée, c’est à dire que le fond de la chambre de son foyer doit être chauffé et recouvert du carbone du tabac, afin de lui donner un arôme différent de celui du bois neuf.

Victor Hugo disait lui-même qu’il fallait un mois pour culotter une nouvelle pipe, mais moi, j’ai connu des culotteurs qui pouvaient fumer un paquet de tabac sur leur journée.

Dans la province de Luxembourg, un certain tabac était cultivé entre nos rivières, et surtout le long d’un petit cours d’eau qui s’appelle la Semois.

L’idée était simple : lorsqu’on recevait une pipe, on la portait avec un paquet de tabac à l’un de ces pêcheurs ou de ces pensionnés qui s’occupaient le long des rivières de notre province de Luxembourg.

Celui-ci se faisait une joie de fumer un paquet de tabac gratuit avec une nouvelle pipe, et donc de rendre ce service à la personne qui le lui demandait, en échange d’une petite pièce.

Maintenant, il faut bien se dire que le culotteur de pipe avait tenu la lentille du tuyau de la pipe entre ses dents pendant toute la durée du culottage.

Depuis le Covid 19, je pense que beaucoup hésiteraient de nos jours à mettre leur bouche là où un inconnu a posé la sienne.

Cette activité donnait aux fumeurs de pipes des muscles de la machôire inférieure très développés, ce qui leur faisait des geules, car c’est bien le terme, donc des bouches aussi raides que des canons.

Cette appellation donna d’ailleurs son nom au film éponyme “Geule d’amour”, où Jean Gabin montrait les muscles de sa geule de soldat blasé.

“Avoir la geule de l’emploi”, c’était donc avoir la machôire suffisament musclée pour pouvoir culotter une pipe en un temps jugé acceptable par celui qui voulait en profiter au plus vite.

Le fameux tableau de Magritte, intitulé “Ceci n’est pas une pipe”, trouve donc son sens dans cette idée que l’objet représente aussi de longues heures de réflexions libres de l’esprit du culotteur pendant le culotage.

Sachez cependant qu’il ne fallait pas trop culotter la pipe, au risque de boucher le tuyau de tirage qui permettait de la fumer, n’oubliez pas que fumer nuit gravement à la santé, ou d’en fendre le bois.

“Avoir du culot”, comme la pipe, c’est avoir été rompu aux épreuves et au feu, avoir su s’y adapter et les avoir surmontées, ce qui correspond bien au foyer de la pipe lorsque le culottage a été culotté.

Donc “être culotté”, c’était avoir l’assertivité et l’assurance personnelle requises pour faire face aux situations difficiles.

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