Le Rocher du Chat, en province de Luxembourg, est un magnifique point de vue pour une balade, associé à une légende intéressante, et peut-être pas si légendaire que ça.
Le Rocher du Chat, c’est une colline qui domine la Semois, située dans une réserve naturelle, le Parc des Épioux, au milieu de la forêt ardennaise et non loin d’Herbeumont.
La légende raconte que le seigneur tyrannique local, à une époque assez reculée, s’appelait Monseigneur Le Chat, et qu’il était amoureux d’une nymphe, donc une de ces fées aquatiques, de la Semois.
Il essaya souvent de l’attraper afin de l’embrasser, et le reste, mais ça ne marchait jamais, donc, un jour, il envoya ses serviteurs, les chats, afin de recouvrir la Semois pour la capturer.
La nymphe courrait et courrait pour leur échapper, et elle appela ses amis, les hérons, qui vinrent tournoyer autour des chats et qui les dispersèrent.
Monseigneur Le Chat, voyant cela, descendit de son château jusqu’aux pierres situées au bord de la rivière afin de réunir ses chats et de rattraper la fille.
Devant cette menace, la nymphe appela ses amis les brochets qui, avec leurs grandes mâchoires, se saisirent de Monseigneur Le Chat, penché trop près de l’eau, et l’ont entraîné au fond.
Cette situation, comme vous le savez, est très mauvaise pour la santé, surtout quand on est dépourvu d’organe ou d’équipement permettant de respirer sous l’eau.
Depuis cette époque, la légende locale dit que les chats ont peur de l’eau…
Ce qui est intéressant, c’est la base relativement historique qu’on peut déduire des termes utilisés dans cette légende.
Voici ce qui est sans doute arrivé : durant le Moyen-Âge, un Seigneur du “Châ-teau” (“Tchesté”, en Wallon), surnommé par la suite “Monseigneur Le Chat” (“Tchê”, toujours en Wallon), désirait ardemment connaître bibliquement une jeune fille qu’il aurait aperçue au bord de la rivière.
Le fait que la légende la désigne comme une nymphe, donc un être mi-légendaire mi-magique, qui vit dans les rivières, montre bien que l’histoire tourne autour d’une rencontre près de la rivière.
L’une des tâches essentielles réalisées par les femmes, dans cette époque phallocratique et machiste, était de faire la lessive au bord des rivières, comme nous en avons déjà parlé dans une autre chronique, puisque les pêcheurs pêchaient.
Le seigneur aura essayé la manière douce, en l’approchant avec de grands sourires et de petites attentions, mais la jeune fille avait sans doute bien écouté ses parents et se méfiait des inconnus trop gentils qui voulaient jouer au docteur sans numéro Inami.
Constatant que la manière douce ne fonctionnait pas, le seigneur rentra dans son château, fit prévenir ses amis du château, les “Gens du Tchèsté”, les “Tchèstrolets”, les “gens du (mec qui vit dans le) Château”, en Wallon.
Le sobriquet “chats” découle sans doute de l’abréviation de “tchès-trolets” en “tchès”, et afin de se moquer des serviteurs du noble par facilité, ce qui amènera la confusion avec les Chats.
Les Gens du Château coururent donc sur les deux rives de la Semois, afin d’attraper la jeune fille, à plusieurs hommes contre une femme seule, ils avaient toutes leurs chances de succès…ou pas.
Manque de bol, comme on l’a déjà vu dans une autre chronique, les lavandières étaient des femmes à poigne, et elles se baladaient rarement seules en cette époque où la justice ne courait pas les rues, et encore moins les rivières.
Lorsque la jeune fille aura remarqué qu’elle était cernée, elle aura sans doute commencé à appeler à l’aide, puisque la légende nous dit qu’elle a appelé ses amis, les hérons, afin de disperser les chats.
Le héron, c’est un grand oiseau habitué à la pêche en rivière, avec un long bec pointu, donc on peut penser que les lavandières s’étaient équipées de leurs battoirs et que la légende les compare à ces nobles oiseaux.
Dans le folklore wallon, le héron est aussi le symbole de la patience, de la maigreur et de la résignation, ce qui résume bien l’état des paysans avant la révolution française, ou des Belges en 2024.
Du haut de ses murs, Monseigneur du Château, découvrant que les femmes mettaient ses serviteurs en déroute, est sans doute descendu à cheval afin d’aller les motiver à revenir à l’assaut pour capturer l’objet de son ardeur.
Il faut savoir qu’un cheval ne court pas très vite dans une rivière, sans compter la vase, les pierres, l’irrégularité du fond et tous ces facteurs qui font que l’animal se méfie, adapte son rythme et évite de se casser une jambe.
Monseigneur du Château, en cette époque bienheureuse où l’État ne vous taxait pas, encore, votre propre énergie, était sûrement sorti avec ses vêtements de laine, son gros manteau ou sa fourrure, si l’aventure s’est passée en hiver, ou du moins avec sa cape de laine et ses chausses du même matériau.
Les brochets de la légende sont sans doute quelques pêcheurs qui ont voulu empêcher le seigneur de rejoindre la jeune fille, ce qui fit cabrer la monture, et fit chuter Monseigneur du Château dans l’eau.
En fonction de son mode d’a-rivièr-issage, et du niveau de l’eau là où il a chu, Monseigneur du Chat d’eau (ah ah ah, admirez la finesse du jeu de mot :-D), s’est peut-être brisé le cou ou se noya dans 30 cm d’eau.
Comme vous le savez, les vêtements de laine gorgés d’eau pèsent lourd et rendent la brasse coulée plus difficile… enfin surtout le côté brasse, parce que pour couler, ça va.
Le cas échéant, si Monseigneur Le Chat était couché dans l’eau, les paysans lui ont peut-être juste marché sur le dos pour lui garder la tête sous l’eau…lâchement.
Dans cette hypothèse, la légende ne parle sans doute pas de brochets, mais des “bronchîs”, les “lâches”, en Wallon, qui auraient profité de la faiblesse du seigneur pour le noyer.
Si les faits relatés par la légende se déroulèrent en hiver, il aura sans doute suffit d’une hydrocution dans 30 cm d’eau, à la limite du gel, pour que le Seigneur du Château décède.
Le vocabulaire conservé par la légende, avec la “nymphe”, divinité plus typique des époques gréco-romaines, et le symbolisme du héron, du brochet, du seigneur tyrannique et l’adaptation de son nom, probable surnom wallon, en phonétique française (“Tchès” et “Chat”) donnent des indications sur la période où cette légende fut enregistrée.
Tous ces détails sont typiques de la fin du XVIIIème siècle, quand les idéaux d’égalité sociale se développaient suite au Siècle des Lumières, et que l’autorité féodale et illimitée des nobles était largement remise en question, voire contestée et moquée.
Ce n’est que mon avis et je suis loin d’être un spécialiste, mais j’ai apprécié l’exercice folklorique, et la proximité du Château de Herbeumont, à 7 km de là, juste en bord de Semois reste très intéressante.
De plus, il existait un autre château, qui dépendait de la seigneurerie de Florenville, juste en bord de Semois, à 12 km de là, qui pourrait aussi encourager de plus amples recherches sur ce sujet local.
Plus simplement, le Rocher du Chat est peut-être juste un rocher où se trouvait un fortin, ou un chat, qui sait … 🙂
Au final, ce site est surtout c’est un magnifique endroit pour aller en randonnée, surtout que la légende dit qu’on y entend encore parfois miauler des chats dans les bois.
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