Comment l’on construit un mythe ?
« Vivre n’est-ce pas toujours se remettre en question ? »
Gilles Archambault
Dans les années 80 le cholestérol est devenu avec les graisses saturées la molécule responsable de ce que l’on nomme aujourd’hui maladies de civilisation (infarctus, surpoids, athérosclérose, hypertension, etc.). Tous les régimes qu’il soit prescrit par des médecins, nutritionnistes ou naturopathe ont fait du cholestérol l’ennemi publique n°1.
Mais ce choix repose-t-il sur des arguments scientifiques ou des données objectives mettant clairement en relation maladie cardio-vasculaire et surconsommation de cholestérol ?
Et bien absolument pas. Voici l’histoire d’un « faux ennemi » accusé à tord.
► Le mythe du bon et du mauvais cholestérol
Comme beaucoup de naturopathe, nutritionniste ou médecin … et depuis près de 30 ans que je m’intéresse à la nutrition, on m’a toujours expliqué qu’il existait un bon et un mauvais cholestérol. Cette croyance est encore l’une des plus encrées dans notre système de santé, elle repose sur des préjugés encore tenaces qui témoignent d’une méconnaissance de la physiologie humaine.
► Le cholestérol c’est quoi et à quoi ça sert ?
Le cholestérol est une molécule essentielle pour notre organisme. Voici quelques une de ses fonctions :
- Le cholestérol constitue l’armature des membranes de vos cellules. Il est indispensable à la fluidité membranaire et garantit leur « étanchéité » et chaque cellule peut fabriquer son propre cholestérol pour sa membrane,
- On en a tellement besoin dans nos cellules que notre corps n’a pas d’enzyme destructeur du cholestérol : il est toujours recyclé donc quasiment pas éliminé,
- Il est un constituant des gaines de myélines (qui entourent vos neurones) et assure la transmission de l’influx nerveux,
- 25% du cholestérol se situe dans le cerveau pour assurer un bon fonctionnement cérébral. Il est aussi un puissant antioxydant qui protège votre cerveau des effets délétères des radicaux libres. Il est nécessaire au fonctionnement des récepteurs à la sérotonine (un neuromédiateur du bien-être) et la carence en cholestérol pourrait même devenir un facteur de dépression,
- Il est le précurseur des hormones stéroïdes (estrogènes, progestérone, testostérone, etc.) et de la vitamine D (hormone antioxydante lipidique),
- Il contribue à l’assimilation des graisses et vitamines liposolubles,
- La mitochondrie dans la cellule pour faire de l’énergie produit des radicaux libres (RL) et pour les neutraliser, le CoQ10 (coenzyme Q10) et le cholestérol protègent de ses RL et évite la mort cellulaire,
- Le cholestérol est nécessaire aux muscles ; l’un des effets secondaires des statines est d’ailleurs qu’il provoque des faiblesses et des douleurs musculaires (Vidal).
Mais alors comment un nutriment aussi important peut-il être considéré comme un poison ?
► L’Histoire d’un mythe
Lorsque les États-Unis ont connu, dans les années 70 une explosion des maladies cardio-vasculaires, on chercha un coupable facile à éliminer. En examinant les plaques d’athéromes, accusées de boucher nos artères, on découvrit qu’elles étaient constituées en partie de cholestérol. Néanmoins ces plaques étaient aussi constituées de nombreux autres éléments (sang, dépôt fibreux, macrophage, calcium, etc.).
Si la simple présence de cholestérol suffit à les rendre coupable de la formation de ses plaques alors pourquoi n’a-t-on pas accusé le calcium très présent aussi ? Le rôle dévolu à chacun n’est pas encore tout à fait élucidé. Surtout, pourquoi réduire l’infarctus à un simple problème de tuyauterie bouchée ? Il faudrait peut-être se demander comment se forme le caillot. Le fibrinogène, une protéine du plasma qui favorise la coagulation du sang, joue un rôle déterminant.
« Le fibrinogène est le facteur n° 1 de prédiction de l’infarctus, bien avant l’hypertension ou le cholestérol ».
Pr Jacques Caen, directeur de l’Institut des vaisseaux et du sang.
On ne s’est même pas demandé s’il y avait un lien réel entre le fait de consommer du cholestérol alimentaire et le fait de faire des dépôts artériels.
Cette corrélation est aujourd’hui totalement infirmée par de nombreuses études scientifiques comme celle de l’université de l’Est en Finlande parue dans American Journal of Clinical Nutrition (1) ou les habitudes alimentaires de 1032 hommes âgés de 35 à 64 ans ont été évaluées. Pendant le suivi qui a duré 21 ans, 230 hommes ont eu un infarctus du myocarde. L’étude a trouvé que des apports élevés en cholestérol alimentaire n’étaient pas associés au risque cardiaque. De plus, la consommation d’œufs, qui est une source importante de cholestérol alimentaire, n’était pas non plus associée au risque coronaire cardiaque.
Ces résultats suggèrent qu’un régime riche en cholestérol avec une consommation fréquente d’œufs n’augmente pas le risque cardiovasculaire même chez les personnes prédisposées génétiquement (1). Globalement, le cholestérol alimentaire affecte peu les niveaux de cholestérol dans le sang et peu d’études ont lié les apports en cholestérol alimentaires avec un risque élevé de maladie cardiovasculaire.
Pour votre organisme le cholestérol est une molécule tellement indispensable que votre organisme fabrique (au niveau du foie) les deux tiers du cholestérol total dont vous avez besoin au quotidien pour vivre. Le tiers restant est apporté par l’alimentation. Mais si votre alimentation est carencée en cholestérol, cette molécule est tellement essentielle pour votre équilibre, que votre organisme en fabriquera davantage pour maintenir des taux suffisants. Si en revanche vous en apportez plus que nécessaire par l’alimentation, le corps est capable de moduler son absorption au niveau intestinal, et d’en produire moins ou encore d’en éliminer davantage.
Vous pouvez donc manger autant de cholestérol que vous le souhaitez vos taux sanguins ne varieront que très faiblement et vos risques cardio-vasculaires n’augmenteront pas.
Dans les années 60′-70′ l’industrie sucrière est en plein essor aux États-Unis et très puissante. Elle va alors subventionner un chercheur connu dans le domaine de la Nutrition : Ancel Keys. Celui-ci va conduire une des études qui eurent le plus grand retentissement mondial à l’époque et qui continuent d’influencer nos conduites alimentaires aujourd’hui !
L’Étude Monica est la plus grande étude de l’OMS menée sur les cardiopathies et l’alimentation : 10 Millions de personnes étudiées sur 10 ans => Voir dans « The great cholestérol con » Dr Malkon Kendrick où il est comparé le taux de cholestérol sanguin avec le risque de décès par maladies cardio-vasculaires (MCV).
Mais pour pouvoir prouver qu’il existait une véritable corrélation entre consommation de graisses animales, taux de cholestérol et MCV, Ancel Keys ne prit en compte que les résultats de 7 pays, ceux qui allaient dans le sens de ce qu’il voulait absolument montrer pour disculper le sucre et autres facteurs d’être responsable des MCV. Les 18 autres pays furent tout simplement excluent des résultats. Les Suisses et surtout les Français très consommateurs de graisses animales (fromage, œuf, canard, etc.) avaient des taux de cholestérol qui contrastaient avec leur faible risque de mortalité cardio-vasculaire. Plus tard on parla même de « French Paradox » comme si nous étions une exception qui confirme la règle.
► Étude Monica – Rapport entre mortalité par infarctus chez les hommes de 35-64 ans et taux de cholestérol moyen
► Observez la corrélation inverse dans des pays comme la Suisse, France, Espagne, Belgique … et chez les Aborigènes !
En réalité on sait qu’aujourd’hui que la démarche d’Ancel Keys n’avait rien de scientifique. Et même s’il avait montré un lien entre taux de cholestérol et MCV dans les 25 pays (ce qui est loin d’être le cas) il ne peut s’agir d’une preuve de cause à effet.
Par exemple une étude reprise dans le livre de Ruffe Ravnskoff « The Cholestérol Myth » a montré que l’on pouvait établir entre 1910 et 1956 une corrélation directe entre la consommation de graisses animales, le nombre d’appareil de radio et de télévision dans les foyers et le nombre de décès par cardiopathie coronarienne en Angleterre. Plus vous avez d’appareils plus votre risque de mourir d’une MCV augmente. Aurait-on l’idée de dire qu’avoir une TV augmente notre risque de MCV ? C’est pourtant ce raisonnement qu’ont eu les scientifiques de l’époque ou du moins c’est ainsi qu’ils ont voulu nous faire croire que l’ennemi c’était le gras d’origine animal dans le seul but de préserver une industrie agro-alimentaire qui avaient tout misé sur les produits transformés, produits à bas coûts grâce à leur teneur élevés en sucres ajoutés, graisses Trans d’origine végétale et autres exhausteur de goût.
Attention je ne suis pas en train de vous dire que les graisses animales issues des animaux d’élevages industriels, nourris aux grains OGM plein de pesticides, sur-vaccinés et traités à coup d’antibiotique … soient une bonne solution pour rester en bonnes santé.
Par contre je pose la question suivante : « Comment peut-on encore croire que ce qui a constitué la base de notre alimentation et de nos apports énergétiques pendant des centaines de milliers d’années , à savoir, un régime paléolithique constitué en Europe à 70% de viandes et donc principalement de graisses animales, puissent être responsable de maladies de civilisation ? »
Nos ancêtres du Nord de l’Europe recherchaient en priorité dans leur alimentation les parties les plus riches sur le plan calorique et nutritionnel des animaux : les abats, moëlles des os, cervelles, etc. pour leurs apports en acides gras saturées, oméga 3, cholestérol, etc., tout comme chez les Inuits très grand consommateur de viandes (phoque, renne…) et donc de graisses en tous genres. La tribu Massaï du Kenya a une alimentation constituée de viande, de lait et de sang. Un jeune guerrier ingère 300 g de graisses animales / jour et leur taux de cholestérol est l’un des plus bas du monde.
► La deuxième partie de cet article développera le sujet du « Bon et du Mauvais cholestérol ».
Références
- Virtanen JK, Mursu J, Virtanen HE, Fogelholm M, Salonen JT, Koskinen TT, Voutilainen S, Tuomainen TP. Associations of egg and cholesterol intakes with carotid intima-media thickness and risk of incident coronary artery disease according to apolipoprotein E phenotype in men: the Kuopio Ischaemic Heart Disease Risk Factor Study. Am J Clin Nutr. 2016 Feb 10. pii: ajcn122317.
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