Par Thibaut Demeyer, depuis la Croisette
La 74è édition du Festival de Cannes est une édition à marquer d’une pierre blanche pour plusieurs raisons. La première étant, bien entendu, la Covid avec ses exigences sanitaires, la seconde est que pour la première fois un jury à majorité féminine est présenté. Quant à la troisième raison, elle concerne l’attribution de trois prix majeurs à une réalisatrice : Palme d’or du court métrage à Tian Xia Wu Ya pour « Tous les corbeaux du monde » ; la Caméra d’or à la réalisatrice Antoneta Alamat Kusijanovic pour « Murina » et enfin, le prix le plus prestigieux à savoir la Palme d’or à Julia Ducournau pour « Titane ». On vous l’avait dit au début du Festival, l’édition 2021 est entrée dans une nouvelle ère !
Vingt-huit ans après Jane Campion et son magnifique « La Leçon de piano », une réalisatrice décroche enfin la Palme d’or. « Je ne suis qu’une suite par rapport à Jane Campion qui était la première. Une suite parce qu’après moi, il y aura une troisième, puis une quatrième etc. » nous a confié, avec émotion, Julia Ducournau lors de la conférence de presse des lauréats.
« Titane », contre toute attente, est donc sacré Palme d’or, un prix que l’on n’osait pas imaginer et qui fera couler beaucoup d’encre. Pour être honnête, ce film est resté ancré dans la tête des festivaliers depuis sa projection le 13 juillet. Nous en parlions, en bien ou en mal, mais nous en parlions pour nous rendre compte que ce film est rempli de richesse et de messages actuels, parfois présentés en filigrane mais présents quand même. Le jury a donc osé primer une œuvre controversée qui, à coup sûr, marquera l’histoire du cinéma. J’ai envie de dire, au même titre que « Pulp Fiction », qui avait été décrié lorsque Clint Eastwood, alors Président du jury cette année-là (1994), avait annoncé la Palme d’or.
Aujourd’hui, « Pulp Fiction » est entré dans le cercle très fermé des films cultes ! « Titane » fait donc partie de ses œuvres contemporaines qui choquent et qui en même temps ouvrent une fenêtre sur l’avenir du cinéma. Cannes est là pour faire avancer l’histoire du cinéma, il a donc aujourd’hui au travers de son Président et des autres jurés joué son rôle.
Du reste du palmarès, on peut se demander si le jury a réussi à se mettre d’accord au vu du nombre d’ex-aequo, qui reste une première dans l’histoire du Festival de Cannes. Certes, il y a déjà eu des ex-aequo et notamment au niveau de la Palme d’or mais des ex-aequo au niveau du Grand Prix (« Un héros » d’Asghar Farhadi et « Hytti N°6 » de Juho Kuosmanen) et du Prix du jury (« Memoria » d’Apichatpong Weerasethakul et « Le Genou d’Ahed » de Nadav Lapid ») c’est du jamais vu !
En revanche, nous saluerons le prix de la mise en scène pour « Annette » de Léos Carax qui a été présenté en ouverture, le prix du scénario pour le film fleuve de trois heures attribué à Hamaguchi Ryusuke pour « Drive My Car » qui aurait pu monter sur la plus haute marche du podium au vu de la qualité de ce long métrage.
En revanche, au rayon regret, il y a le film de Joachim Lafosse « Les Intranquilles » où nous avions placé beaucoup d’espoir tant au niveau du scénario que du jeu des acteurs.
Mais visiblement le jury est resté de marbre devant cette histoire d’amour sur fond de bipolarité préférant couronner du prix d’interprétation Renate Reinsve pour « Julie en 12 chapitres » et Caleb Landry Jones pour « Nitram ».
Comme l’a précisé l’acteur Tahar Rahim : « Il y a eu 24 films fantastiques, malheureusement, il n’y avait pas assez de prix pour tout le monde. » Des paroles qui se veulent réconfortantes pour celles et ceux qui n’ont rien obtenu.
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