Jean de Béla était un jeune officier français, d’origine basque, qui est mort près d’Arlon pour Martelange. Sa tombe, malheureusement disparue de l’ancien cimetière de la Rue des Thermes Romains, à Arlon, est inventoriée dans l’excellent ouvrage de Monsieur Guy Fairon : Inventaire des monuments funéraires du vieux cimetière d’Arlon. Les monuments qui se trouvent encore dans l’enceinte ou à proximité du vieux cimetière, 2018, Cahiers du Groupe de Recherches Aériennes du Sud Belge GRASB, n° 47.
L’épée dénudée et pointée en biais vers le haut indique un militaire, plutôt un officier, qui serait tombé en service commandé ou pendant un combat.
Plusieurs éléments intriguent, tout d’abord le nom et l’origine française, sinon basque, du Chevalier de Béla, dont le lapiciste a mal écrit le nom de la ville d’origine, Mauléon, située dans la Soule, à la frontière entre la France et l’Espagne.
Le nom de cette illustre famille fut, notamment, illustré par le Lieutenant Général des Armées du Roi Jean – Philippe de Béla, fondateur de plusieurs unités de volontaires basques, rédacteur de plusieurs mémoires militaires, inventeur d’un nouveau type de canon; qui laissa une nombreuse descendance et mourut en 1796.
Même si on ne retrouve pas, encore, le lien qui unit Jean Pierre Théophile à ce Jean – Philippe, le nom et la ville d’origine suffiraient à indiquer qu’il existait un certain lien de parenté entre eux.
Si le registre paroissial de l’Église de Saint Martin déclare que le nom des parents du Chevalier de Béla sont inconnus, il apparaît clairement que le commanditaire de sa pierre tombale en susse assez pour indiquer sa ville natale, le département français dont elle dépend, et le titre du défunt.
L’absence de mention de lien de parenté ou d’éléments affectifs dans l’inscription dédicatoire pourrait indiquer que le commanditaire du texte n’appartenait pas à la famille du défunt
La précision dans les détails et le travail réalisé pour graver le motif ornemental en bas – relief, montrent néanmoins que le commanditaire de la stèle disposait d’importants moyens financiers et éprouvait suffisament d’affection pour le Sous-Lieutenant de Béla que pour les lui consacrer.
La présence d’un Français, noble, d’origine basque, et servant comme Sous – Lieutenant dans les armées belges, au moins depuis 1832, montre bien que les jeunes noblions européens, cadets de famille, venaient chercher fortune et gloire en mettant leur épée au service de notre royaume.
Le fait qu’un officier du 9ème Régiment d’Infanterie de Ligne belge, caserné à Mons, soit enterré à Arlon peut aussi facilement s’expliquer.
Ce régiment avait été formé en 1830 avec la 17ème Division d’Infanterie hollandaise, casernée à Gand, et formée là-bas avec le Bataillon de Chasseurs à pied n° 36, vétéran de Waterloo, les Bataillons d’Infanterie de Milice Nationale n° 36 (Oudenaerde), n° 37 (Dendermonde), et n° 38 (Eeklo);
La seule raison qui explique la présence d’un officier du 9ème Régiment d’Infanterie de Ligne à Arlon est la controverse et les tensions qui régnaient pour l’établissement définitif de la frontière entre la jeune Belgique et les Pays-Bas en 1839.
Les tensions tournaient autour de Martelange, que la Belgique voulait garder pour joindre Bastogne et Namur, ce qu’elle n’avait pas pensé à préciser lors de la signature du Traité des XVII articles après son indépendance. La Hollande, qui refusait de signer l’armistice et de reconnaître les frontières depuis 1831, amenait des hommes au Limbourg et au Luxembourg afin de nous intimider.
Les grandes puissances de la Conférence de Londres, qui s’étaient portées garantes de l’indépendance de la Belgique contre la Hollande, donc la Russie, la France, qui avait massé 30000 hommes sur notre frontière méridionale, et la Prusse, qui avait rameuté 55000 hommes au Luxembourg, nous menaçaient également, surtout les 21 et 22 juin 1839. Se préparer à nous envahir était quand même une étrange manière de se porter garantes de notre indépendance, un peu comme quand l’état diminue la TVA pour augmenter les accises.
La Belgique envoya donc le Général – Major L’Olivier et une brigade réduite de 2500 hommes, qui comptait le 9ème Régiment d’Infanterie de Ligne, alors basé à Namur, pour montrer les dents. Les commissaires hollandais, chargés de placer les emplacements pour les fameuses bornes frontières que nous voyons encore dans les champs et les bois, en exigèrent le retrait afin de faire leur travail.
Le 9ème Régiment d’Infanterie de Ligne fut déplacé à Bastogne afin de calmer le jeu avec les Prussiens, puis la Belgique et les Pays – Bas parvinrent à trouver un accord provisoire sur le bornage des frontières le 21 août. Le pays y perdait encore un peu plus de territoire que prévu mais, quand on veut veut avoir avec les gros balèzes du voisinage, il faut bien accepter que leur arbres perdent leur feuilles dans son jardin.
Si le Sous-Lieutenant de Béla est mort à Arlon le 18 janvier 1840, il est concevable de penser qu’il fut gravement blessé dans une échauffourée avec les troupes prussiennes à la frontière entre les mois de juillet et de décembre 1839, et qui fut étouffée par les parties concernées afin de ne pas créer un nouveau casus belli.
Cela peut paraître anodin, mais c’est aussi à cause de ce traité, écrit avec le sang de nos ancêtres, que l’empire britannique, qui ne voulait pas voir la marine impériale allemande arriver dans les ports belges, hollandais et français en Mer du Nord, déclara la guerre lors du viol de la Belgique en 1914.
Le Chancelier allemand, Theobald von Bethmann Hollweg, répondit à l’ambassadeur d’Angleterre qu’il ne fallait pas partir en guerre pour ce qu’il appelait un “chiffon de papier”…et il causa la perte de millions de personnes qu’il ne connaissait pas.
J’ai trouvé une illustration de signatures de ce fameux chiffon de papier sur une affiche de recrutement anglaise pour la Première Guerre Mondiale.
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