Les Belges, dont certains du Luxembourg, ont eu leur empire au Mexique.
Bien avant que le Grand Jojo ne célèbre les Petits Belges qui sont à Mexico (Allez, allez, allez allez ! We are the champions ! We are the champions !), en cette bonne vieille année de 1986, une princesse belge régna sur le Mexique.
En 1858, après trois révolutions et deux guerres civiles entre révolutionnaires mexicains, Bénito Juarez est élu président d’une république mexicaine ruinée, ravagée, affamée et affaiblie. Afin de pouvoir reconstruire sur les ruines que ses conflits avec les présidents précédents avaient laissées, le nouveau dirigeant de Mexico nationalisa les biens privés et confisqua ceux de l’Église.
L’insécurité régnait entre les révolutionnaires mexicains anti-Juarez et ceux des autres mouvements, le gouvernement mexicain anti-révolutionnaire de Juarez, les impérialistes français de Napoléon III, et les Américains du Nord, que toute cette excitation rendait nerveux pendant leur propre guerre civile.
En 1862, une série de troupes françaises, anglaises et espagnoles débarqua pour venir calmer le jeu, et repoussa Juarez dans les collines, tandis que l’assemblée de ses opposants s’installait dans la capitale, à Mexico.
Cette assemblée de notables mexicains décida d’échanger le gouvernement républicain contre une monarchie qui s’appellerait « l’Empire du Mexique », dont la couronne sera offerte à l’archiduc Ferdinand – Maximilien de Habsbourg – Lorraine, un Autrichien, sous la protection de l’empire français de Napoléon III.
Le gouvernement républicain mexicain en place vint donc offrir la couronne du Mexique à Maximilien, qui imposa un référendum populaire avant de prendre sa décision mais qui, poussé par sa famille trop heureuse de se débarrasser d’un prétendant à la couronne de son frère, finit par l’accepter, bon gré, mal gré, le 10 avril 1864.
Maximilien d’Autriche n’était pas n’importe qui, c’était le fils de François-Charles d’Autriche, le frère de l’empereur François-Joseph Ier d’Autriche-Hongrie, et le mari de la princesse Charlotte de Belgique, la soeur de notre roi Léopold II. À l’époque, ce n’était pas mal comme cv pour trouver un emploi d’empereur.
Charlotte et Maximilien partent donc au pays de la tequila et des quesadillas, afin de prendre leurs quartiers, et font reconnaître la nouvelle nation par toute une série de pays, comme la France, le Royaume – Uni, l’Espagne , l’Autriche, la Prusse, et la Belgique.
Malheureusement, les Américains, suivant la doctrine du président Monroe, détestaient que les Européens se mêlent des affaires qui se passaient sur le Nouveau Continent. Cela est plutôt ironique pour des types dont les ancêtres étaient venus d’Europe se mêler des affaires qui se passaient sur ce même continent. Les États – Unis d’Amérique décidèrent donc de ne pas reconnaître l’Empire Mexicain et ils choisirent le camp de Juarez, qui avait encore recommencé à faire la revolución.
Léopold II lança donc la création d’un régiment de gardes du corps, destiné à assurer la protection du couple impérial, et qui prendrait le nom de Régiment Impératrice Charlotte, entièrement formé à partir de volontaires, à qui on avait promis la gloire et la fortune.
De nombreux jeunes hommes des autres provinces, et beaucoup de Luxembourgeois de chez nous, se joignirent à l’aventure, appâtés par les terres promises à la fin de six ans de service sur place, et par les possibilités d’ascension sociale que cela représentait. Quelques – un ont même écrit leurs mémoires, dont je vous recommande la lecture :
https://www.noirsain.net/articles/campagne-belge-mexique.pdf
Les Français glorifièrent leur épopée mexicaine, contemporaine de la nôtre, avec la fameuse bataille de Camerone, où deux Belges combattirent dans le dernier carré de la Légion Étrangère, il est bon de le rappeler.
Néanmoins, il est facile de se glorifier d’une situation problématique qu’on a causée, qu’on a empirée (c’est le cas de l’écrire 🙂 ), puis qu’on a quittée en toute vitesse, en y laissant d’autres personnes qu’on y avait attirées se débrouiller toutes seules.
La Légion Belge au Mexique reste fort peu connue, alors qu’elle se tapa presque toute seule une grande partie des patrouilles en terrain difficile et, cela, malgré un mauvais équipement, sous les railleries des Français.
Le colonel choisi par le gouvernement belge pour la commander, Monsieur Van Der Smissen, était un soldat au passé sulfureux, qui avait déjà servi dans la Légion Étrangère française en Algérie. Il était aggressif, impétueux, sans autorité, détesté de ses hommes, et, comme le décrivaient ses chefs, sans cervelle, sauf pour s’attirer la gloire et la fortune promises à ses hommes, mais il en sera question plus loin.
1500 hommes permettent finalement de former le régiment, à Audenaerde, qui part pour Saint Nazaire, embarque sur les bâteaux français, et arrive au Mexique, dans la ville de Chapultepec, voisine de Mexico, en janvier 1865.
Le service de garde du palais ennuyait les Belges, et les bagarres éclataient souvent avec les soldats autrichiens et français ou mexicains impériaux, qui les traitaient de soldats d’opérette. Avec beaucoup de bonne volonté, nos petits gars mettaient souvent fin aux bagarres, utilisant toutes leurs compétences pour la diplomatie inter-personnelle, dont les duels à l’épée, au pistolet, les coups de poings sur le nez et les coups de pieds au derrière constituaient les piliers essentiels.
Comme Napoléon III avait besoin d’aide pour pacifier le pays, et qu’il désirait garder quelques-uns de ses soldats français aptes pour le combat contre les Mexicains républicains, il envoya les Belges en patrouille et au combat, mais sans les renseigner correctement sur les forces ennemies qui se trouvaient en face d’eux.
Nos petits gars furent héroïques, notamment à Tacambaro, où 250 d’entre eux, trahis par leurs collègues mexicains impériaux, tombèrent dans une embuscade tendue par un ennemi dix fois supérieur en nombre. Le Major Tydgat et le Capitaine Chazal y firent des prodiges de courage et de valeur militaire, ce qui est une habitude chez les soldats belges.
Certains d’entre eux racontaient leurs misères dans les lettres qu’ils envoyaient à la maison, comme cet habitant d’Orsinfaing, Monsieur Morant, qui donnait régulièrement quelques nouvelles à son père, Monsieur Alphonse Morant.
Les Belges eurent leur revanche à la bataille de La Loma, où le commandant Noirsain enfonce un ennemi dix fois supérieur en nombre, montrant bien que le nombre n’est pas suffisant on veut taper sur du Belge.
Les Belges continuent de gagner, à Monterey et à Ixmiquilpan, où ils rencontrent les lanciers polonais et russes, déserteurs du corps autrichien, qui avaient rejoint les Juaristes, et leur donnent une bonne raclée.
Maximilien comprend de plus en plus que le maréchal français Bazaine agit comme si il était lui – même l’Empereur, et en voulant intégrer les acteurs politiques mexicains dans son gouvernement, il commet une erreur car ceux-ci trahissent tout un chacun, selon le vent de la fortune. Tandis qu’ils sapent son gouvernement et son action de pacification et de redressement économique du pays, afin de plaire à Bénito Juarez, Napoléon III retire ses troupes parce que le renforcement de l’armée prussienne près de ses provinces de l’est, en Alsace et en Lorraine, l’inquiète.
L’Impératrice part pour aller chercher de l’aide à Paris et à Bruxelles, mais personne ne voudra l’écouter et elle ne reviendra jamais au Mexique.
En janvier 1867, le roi Léopold II, voulant éviter que la situation diplomatique avec les États – Unis ne dégénère en guerre ouverte, donne l’ordre au Régiment Impératrice Charlotte de rentrer à Vera Cruz, où les soldats embarquent sur des cargos français qui les ramènent à Anvers.
Une centaine de Belges décidèrent de rester sur place, quand les Français ont envisagé d’intégrer le Régiment Impératrice Charlotte à l’armée mexicaine, ce qui fait que certains d’entre nous ont peut – être des cousins mexicains.
Une mauvaise surprise attendait nos petit gars à Anvers : afin de ne pas blesser la république mexicaine, la France et les États-Unis, rien ne les y attendait et ils durent rentrer chez eux dans la plus grande discrétion.
Les promesses de propriétés agricoles au Mexique, qui avaient permis de recruter tant de braves garçons désargentés ou qui rêvaient d’une vie meilleure, ne furent pas tenues, et le gouvernement ne les tint pas en Belgique non plus.
Par contre, Van der Smisssen eut l’honneur d’être nommé aide-de-camp du roi, il fut fait Baron, avec tambours et trompettes, et il poursuivit ensuite une carrière politique.
Maximilien fut capturé par les Juaristes à la chute de Mexico, abandonné par ceux-là mêmes qui étaient venus le chercher en Autriche, lorsque les restes de son armée mexicaine changèrent de camp, et il fut sommairement exécuté.
L’impératrice Charlotte, qui aimait tendrement son mari, devint folle lorsqu’elle apprit sa mort, et elle finit ses jours enfermée dans sa chambre.
Deux monuments aux morts rendent hommage à ceux de nos aïeuls qui ont tenté l’aventure mexicaine, et qui y dorment encore ou qui en sont revenus : l’un à Audenaerde, et l’autre à Bourg-Léopold.
En mémoire de tous nos cousins qui dorment encore dans le sol mexicain, on peut se permettre une petite chanson
Retrouvez cette chronique, et les autres, sur la page de Vivacité Luxembourg, sur la page d’Info-Lux, et sur ma page Fabrice D-E B-A-C-K-E-R, sur Facebook, Twitter et Instagram.
Facebook de Fabrice
https://www.facebook.com/profile.php?id=100017807142373
Twitter de Fabrice : @Fab_De_Backer
Instagram de Fabrice : fabrice.de_backer
0 commentaires