L’ancien cimetière d’Arlon, situé Rue des Thermes Romains, conservait la tombe d’un Monsieur W. M. J. Haringman, qu’une belle pierre tombale, décorée des armoiries de sa famille et
d’une épée sortie du fourreau et couchée en biais, la pointe dirigée vers le bas, ornait.
L’excellent ouvrage de Monsieur Guy Fairon, donne une série de photographies et de relevés très détaillés de cette pierre tombale.
Plusieurs éléments intriguent, notamment le fait que l’inscription dédicatoire destinée à l’âme d’un Hollandais, enterré à Arlon en 1824, fusse rédigée en français.
On peut donc penser que la personne qui en fit la commande au graveur était francophone, et donc qu’il s’agissait d’une personne originaire de Wallonie.
Cela ne surprendrait en rien puisque la 12ème Division d’Infanterie hollandaise avait été formée, après Waterloo, à partir des Bataillons d’Infanterie de Milice n° 49 (Marche-en-Famenne), n° 50 (Neufchâteau), et n° 51 (Luxembourg), qui étaient essentiellement recrutés sur place, ainsi que du 15ème Bataillon d’Infanterie de Ligne.
Monsieur Haringman servait au Bataillon de Réserve de cette division, qui occupait la caserne située à l’emplacement de l’actuel hôtel de ville, à Arlon.
L’état-major et la musique de la division étaient logés à Bouillon, tandis que le reste des troupes logeaient à Bergen-Op-Zoom.
Un deuxième élément qui interpelle dans le texte est l’absence de mention de lien de parenté ou d’élément affectif, ce qui pourrait indiquer que le commanditaire du texte n’appartenait pas à la famille du défunt.
La précision dans les détails et le travail réalisé pour graver l’entièreté des grandes armoiries de la famille Haringman en bas – relief montrent que le commanditaire de la stèle disposait
d’importants moyens financiers.
Contrairement à la gravure par incision dans la pierre, telle que fut réalisée l’inscription, le bas-relief demande d’enlever beaucoup plus de matière autour du motif à représenter, ce qui
représente beaucoup plus de travail et une plus grande maîtrise de la technique.
Monsieur Haringman, né en 1796 à Gravenhague, s’était marié à Leyde le 15 avril 1823, d’après les registres paroissiaux locaux, à l’âge de 27 ans.
Un an et trois mois après cela, il décède à Arlon comme Sous-Lieutenant à la 12ème Division d’Infanterie casernée dans ce qui deviendra la province du Luxembourg.
Au début du XIXème siècle, de nombreux jeunes hommes issus de familles nobles, ou aisées, pouvaient encore se permettre d’acheter une commission dans une unité militaire de leur royaume afin de voir le monde, et de ne plus être une charge financière pour leurs parents.
Le premier grade d’officier disponible à l’achat pour ces jeunes hommes inexpérimentés était celui d’enseigne porte-drapeau ou de sous-lieutenant.
Heureusement, cette pratique n’a, bien entendu, absolument plus cours de nos jours ni dans nos contrées car seules des personnes responsables, investies dans leurs tâches et, surtout, connectées avec la réalité nous dirigent.
Le fait que le père de Wilhelm Maarten Johan Haringman, Johan Schreuder Haringman, était Contre – Amiral de la Marine de Guerre hollandaise, et Membre de la Cour Martiale Suprême
du Royaume des Pays – Bas, l’a sans doute aidé à obtenir un commandement tranquille dans une région proche de chez lui, et pas dans les comptoirs d’outre-océan, en Inde, en Afrique, ou en Asie.
En Belgique, aucun papa ne prépare la carrière ministérielle, puis européenne, de ses fistons, sinon cela se saurait…
On peut penser que si Madame Haringman avait été présente, elle aurait peut-être fait le nécessaire pour ramener son mari à Gravenhague, où son père était enterré.
Elisabeth Martha Françoise de Kempenaar, l’épouse de Wilhelm, n’eut sans doute pas l’occasion de venir assister ou d’organiser les funérailles de son époux qui, décédé au mois de juillet,
fut sans doute rapidement enterré avant que la chaleur ne détériore le corps.
L’épée dénudée et orientée vers le bas symbolise un militaire, le plus souvent un officier, qui serait mort en combat, ou du moins en service, mais il n’y eu aucun combat recensé
dans la région d’Arlon en 1824.
Les seules hypothèses qui restent sont un accident en service commandé, comme un infarctus ou une chute, un accident de chasse, ou un duel.
Ces trois situations impliquent que le corps fut suffisamment endommagé pour requérir un enterrement assez rapide, surtout dans la chaleur de la fin du mois de juillet.
Les accidents de voitures, chutes de cheval, arrêts cardiaques et autres noyades étaient déjà monnaie courante au XVIIIème siècle, de même que les duels à l’épée, ce qui expliquerait la
présence de celle-ci.
Comme nous sommes à Arlon, Wilhelm pourrait aussi bien avoir été tué par la foudre, à l’instar du pauvre Jean Pierre De Vreede, mais rien ne précise les circonstances de sa mort.
Il est possible de se faire une idée de l’apparence de Wilhelm Maarten Johan Haringman en regardant le portrait de l’un de ses douze frères et soeurs, Adriaan Jan (1782-1836).
Cet officier de la Marine Impériale française, vétéran de Waterloo et de la Révolution belge, finira sa carrière comme Lieutenant-Colonel du 6ème Régiment de Hussards hollandais, qui combattra les indépendantistes belges en 1830.
Les nobles et les bourgeois savaient retourner leur veste et trahir leurs serments de fidélité dès que l’occasion se présentait, afin d’augmenter leurs fortunes, à cette époque.
Nous avons la chance, à notre époque, de pouvoir compter sur des hommes et des femmes politiques qui sont tout à l’opposé de ce type de personnages…
Cette pierre tombale fut publiée dans l’excellent livre de Monsieur Guy Fairon Inventaire des monuments funéraires du vieux cimetière d’Arlon.
Les monuments qui se trouvent encore dans l’enceinte ou à proximité du vieux cimetière, 2018, Cahiers du Groupe de Recherches Aériennes du Sud Belge GRASB, n° 47.
J’ignore où elle se trouve actuellement car je ne l’ai pas retrouvée dans le vieux cimetière, donc si vous avez une idée de son emplacement, ou qu’elle est chez vous, n’hésitez pas à la déposer à l’Office du Tourisme d’Arlon et à mon intention.
Nous pourrons tenter de la replacer sur le gisant.
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