Accueil » Les sabotiers d’Awenne, en province de Luxembourg

Le village d’Awenne, au centre de la province de Luxembourg, est renommé pour ses fontaines, et plus encore pour ses sabotiers.

Le Pays des Sabotiers, à Awenne (Copyright https://pivotweb.tourismewallonie.be/PivotWeb-3.1/img/OTH-01-0B2G-1YDK).

Les sabotiers, qui pratiquent l’art de la saboterie, se divisent en deux grandes catégories qui oeuvrent ensemble à la réalisation de ces oeuvres d’art : le planeur et le creuseur.

Ces ouvriers suivaient les charbonniers, dont je vous ai déjà parlé dans une autre chronique, au fin fond des forêts, et ils y vivaient dans de minuscules cabanes. Mine de rien, entre les Sept Nains de Blanche Neige, les sorcières, les porchers, les charbonniers et les sabotiers, il y avait quand même beaucoup de monde au fin fond des forêts

Une cabane de sabotiers au fond de la forêt (Copyright https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sabot_roussillon_planteechalas.jpg?uselang=fr).

Là-bas, les sabotiers récupéraient les tronçons d’arbres inutilisables pour la menuiserie ou la charronerie, l’art de faire des charrettes, afin de faire des chaussures.

Apparu entre 1480 et 1520, le sabot est une chaussure creusée dans une pièce de bois tendre et qui permet d’économiser les chaussures de cuir.

L’ancêtre du sabot est la soque, une haute semelle de bois, équipée de lanières ou de ficelles, qui protégeait la semelle des chaussures de cuir, fort chères à l’époque, et qui empêchait qu’elles ne traînent dans la boue, pour moisir et se détériorer.

Une paire de soques représentée sur un tableau de maître (Copyright https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5b/Jan_van_Eyck_004.jpg?20120809104321).

Le terme “sabot”, apparu au XIIème siècle, viendrait d’un mélange des mots “saba”, qui signifie “sève”, en vieux français, et “bot”, d’où “botte”, qui désigne une chaussure.

Le verbe “sabare” signifiait “heurter”, et rappelait qu”il fallait heurter le bois à la montée de la sève, afin d’en détacher l’écorce.

Le sabot en tant que chaussure, tel que nous le connaissons actuellement, n’apparut pas avant le XVIème siècle, ce qui donne tort à nos voisins français qui disent que les Belges ont appris l’art de la saboterie par des déserteurs français de l’armée de l’empereur Napoléon.

D’abord, les Français, qui ont ravagé nos régions au XVIIIème siècle, portaient des sabots et ils étaient au service de la République française, entre 1793 et 1795.

Un Sans-Culotte portant des sabots (Copyright https://www.gettyimages.ca/detail/illustration/french-revolutionary-wars-military-uniform-royalty-free-illustration/1155419718?language=fr).

Ensuite, les Français pensent toujours que les Belges ont besoin qu’un Français leur montre une chose, afin de savoir qu’elle existe et de la recopier …

Je ne reviendrai pas sur la polémique des frites ni de la célèbre phrase de Jules César, puisqu’ils en sont encore à crier “Champions du Monde”, quinze ans après 1998 😀

Comme un vieux sabot était souvent utilisé dans les imprimeries des journaux, afin d’y jeter les caractères d’imprimerie en plomb déformés, le terme sabotage désignait l’action d’aller en enlever tous les rebus, et de les remettre dans les étagères, avec les bons, puis de mettre les bons qu’on avait enlevés, dans le sabot.

Gutenberg sabotant son imprimerie (Copyright https://www.wallpapers13.com/the-big-goofy-album-goofy-as-johannes-gutenberg-cartoon-walt-disney-desktop-backgrounds-1920×1080/).

Les anarchistes de la deuxième moitié du XIXème siècle pratiquaient ces opérations de “sabotage”, qui demandaient du temps, de la minutie, de la discrétion et de la précision, dans les presses des journaux qu’ils identifiaient à des supports des entités ennemies, comme l’État ou la Police.

La première phase du travail consiste à débiter des tronçons d’arbres de bois tendre et vert, comme le hêtre, le bouleau ou le peuplier, puis d’en détacher l’écorce.

Le tronçonnage du bois (Copyright https://www.histoire-en-questions.fr/dossier-histoire/metiers/photos/sabotier-famille.jpg).

En Ardenne belge, afin de diminuer le poids de ces chaussures, on en amincissait l’épaisseur et le coup de pied était taillé afin de laisser le pied à l’air, contrairement à ceux qu’on fabriquait en France

Ensuite, les tronçons étaient débités à l’herminette, une petite hache à la lame tranchante et courbe, puis le planeur leur donnait les contours généraux d’un sabot, grâce à deux lames fixée sur un établi : la plane et la talonnière.

Le sabotier utilise une plane pour façonner un sabot (Copyright http://www.famille-bretet.net/images/Sabotiers86.jpg).

Le coeur du tronçon était enlevé, afin d’éviter qu’en séchant le sabot ne craque, puis l’extérieur était poli et l’adoption du côté droit ou gauche terminait le travail du planeur.

Le creuseur reprennait le travail, en creusant l’intérieur avec une vrille, comme un gros tire-bouchon, et une gouge, une cuillère à l’extrémité courbe aiguisée.

Le boutoir permettait de dégager la semelle et de la profiler, afin que le pied y repose bien.

Le creuseur façonne l’intérieur du sabot (Copyright http://www.famille-bretet.net/images/Sabotiers71-2.jpg).
Le boutoir prépare l’intérieur du sabot à recevoir le pied (Copyright http://www.laconfreriedesfinsgoustiers.org/pages/Chez_Sylvain_Delporte_sabotier_sarthois-8927741.html).

Enfin, le creuseur utilisait une pige, qui permettait de vérifier les mesures et le contour du sabot.

Parfois, quand le travail était bâclé, il fallait recommencer certains détails, ou le tout, et ça prenait dix piges pour faire un seul sabot. Comme cela, vous savez d’où vient cette expression.

Avez-vous pigé comment utiliser une pige ? (Copyright https://idata.over-blog.com/4/34/42/48/La-Confrerie-chez-les-producteurs/094-Une-pige-pour-verifier-la-profondeur-du-creusement-du-.JPG).

Lorsque la mise en forme atteignait son terme, le sabot pouvait être décoré de peintures et verni, puis recevait une lanière, la bride, qui permettait de le fixer au pied, même si cela ne représente pas une règle universelle.

Les sabots, c’est bô ! (Copyright https://www.valleedepratmeur.com/scripts/files/63f3d7d8a0ec75.32054353/atelier-sabotier-camors-0.jpg).

Finalement, l’acquéreur pouvait garnir l’intérieur de ses sabots avec de la paille, pour aller travailler, ou de grosses chaussettes de laine et un chausson, comme c’est le cas pour les Gilles de Binche, si il avait plus de moyens financiers.

De grosses chaussettes et de bons chaussons, pour avoir bon dans ses sabots (Copyright https://deguisement-costume.be/2829-large_default/chaussons-.jpg).

Vous saurez que les sabots, comme nos vélos, pouvaient également recevoir une série d’accessoires, selon la vocation de leur propriétaire.

Les marins bretons préféraient le bois d’orme, qui résistait à l’eau, et ils y y fixaient de grandes chausses de toile cirée, afin de garder les pieds au sec.

Les sabots des pêcheurs bretons (Copyright https://www.ladepeche.fr/2021/08/28/curiosite-des-sabots-etriers-a-latelier-du-sabotier-9755450.php).

Les ouvriers qui travaillaient dans la sidérurgie, comme à Athus ou à Bonnert, pouvaient y fixer de hauts montants de cuir, afin de protéger leurs jambess.

Des sabots d’ouvriers sidérurgistes (Copyright https://www.inventaire.proscitec.asso.fr/uploads/medias/image/0001/25/thumb_24613_image_big.jpeg).

Les citadins fixaient des clous sur leurs semelles, afin d’en limiter l’usure du bois et les risques de glissades sur les pavés en hiver ou sous la pluie.

Des sabots à la semelle extérieur cloutée pour les citadins (Copyright https://www.ebay.fr/itm/233645908972).

Les forestiers et les agriculteurs fixaient parfois des patins sur leurs sabots, afin de limiter les risques de chute dans la neige.

Les patins qui empêchent les sabots de glisser dans la neige (Copyright https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f9/Las_Albarcas.jpg?uselang=fr).

Les vignerons et les bûcherons y fixaient des crocs de fer, afin de mieux planter les pieds de vigne ou de pouvoir monter élaguer les hautes branches d’un arbre.

Les crocs, fixés aux sabots, qui aidaient les vignerons et les élageurs (Copyright https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sabot_roussillon_planteechalas.jpg?uselang=fr).

Une fois usés, puisque les statistiques donnent trois paires de chaussures par personne et par année, les sabots servaient de bois de chauffage, ce qui devrait pouvoir donner des idées à nos amis écologistes.

À Awenne, il existe aussi un Club des Sabotiers, qui met ce glorieux patrimoine méconnu de notre province de Luxembourg en valeur, afin d’éviter que sa mémoire ne périsse.

Le logo de l’ASBL “Les Sabotiers” d’Awenne (Copyright ASBL “Les Sabotiers” d’Awenne).

Je vous conseille vivement la visite de la collection de sabots réunis par l’un de ses membres, le célèbre Philippe Baudrez, c’est vraiment faramineux.

https://www.facebook.com/p/ASBL-Les-Sabotiers-dAwenne-100077443094114/?paipv=0&eav=AfYHXDO0Yn6z9hVxAOgVRhyQ7JgXbVsoRMinDQKTlwc-34ze_L5mPHF9q3MLvGCycAk&_rdr

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Fabrice De Backer

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