Sean Gillis : quand des fantasmes nécrophiles obsèdent un serial killer (L’autre tueur de Bâton Rouge)
1h20, en pleine nuit, ce 29 avril 2004. Les forces de l’ordre de Bâton Rouge défoncent la porte du 545 Burgin Avenue. L’épais nuage des fumigènes envahit les pièces. Sean Gillis, en état d’arrestation, est arraché à sa compagne qui exige de savoir ce qu’il se passe. « Vous ne savez pas que vous vivez avec un tueur en série ? »
UN PRINCE (PAS SI) CHARMANT
C’est par l’intermédiaire d’un ami que Sean Gillis rencontre celle qui partagera ses dernières années de liberté. Terri Lemoine. Une maman solo, manager dans une épicerie. Les deux trentenaires se lient rapidement d’amitié. Terri fait même embaucher Sean dans la supérette. Ce n’est pas par la profondeur du bleu de ses yeux que le Louisianais séduit la belle blonde, mais par son caractère prévenant et attentionné. Elle le trouve un peu « ringard », mais gentil. Leur relation évolue, rapidement ils assument leur couple et emménagent ensemble dans la maison de Sean. Un pavillon appartenant à sa mère, situé dans un quartier de la classe moyenne.
Terri, qui se projette sur le long terme dans cette relation, souhaite s’assurer qu’elle a à ses côtés un homme respectueux, en qui elle peut avoir confiance. Un soir, dans l’idée de tester son partenaire, elle commence à lui crier dessus, avant de le gifler. Tapant du pied sur le sol, mais ne lui rendant pas ses coups, Gillis rétorque que les hommes, comme les femmes, n’ont pas à utiliser la violence physique. « Alors je me suis dit que j’étais en sécurité », confie-t-elle.
Piètre amant, le moustachu manque d’intérêt sexuel au goût de sa conjointe, qui en souffre et se culpabilise. La réalité est tout autre. C’est son intérêt pour la pornographie nécrophile et ses fugues nocturnes à la recherche de potentielles victimes, durant les services de nuit de sa compagne, qui l’éloignent du couple. Lemoine est alors loin de penser que l’homme souriant qu’elle enlace sur les photos de Noël, près du sapin, est un violeur et un meurtrier.
DÉMEMBRÉES SUR LE SOL DE LA CUISINE
3h du matin, 21 mars 1994. Sean Gillis s’introduit dans la chambre 167 de la résidence St. James Place, une maison de retraite située juste en face du lieu où il travaille alors. Y est assoupie Ann Bryan, une résidente de 81 ans. C’est avec l’intention de la violer qu’il s’approche de la vieille dame. Apeurée, elle commence à crier. Pour la faire taire, dira-t-il, Gillis la poignarde frénétiquement, lui assénant une cinquantaine de coups de couteau. La lame de trente centimètres décapite pratiquement la victime. Gillis laisse sur place, près du lit ensanglanté, la dépouille inerte, toujours en partie recouverte de sa couverture rose à carreaux. Le meurtre reste non résolu pendant dix ans, alors que l’auteur du crime ne vit qu’à 1,5 km des lieux.
Le 4 janvier 1999 Sean Gillis récidive, après une période d’accalmie de cinq ans. La nuit tombée, il fait monter Katherine Ann Hall, 29 ans, dans sa voiture. Il la maîtrise, place un serre-câble auto-glissant en plastique autour de son cou et l’étrangle, avant de la poignarder, également. Après cela, Gillis viole le corps. On retrouve la victime allongée face contre terre, sur le bitume, nue et mutilée quelques jours plus tard, près de la route Hoo Shoo Too.
Tôt le matin, vers 5h30, le 30 mai 1999, il commet son troisième meurtre en s’en prenant à Hardee Schmidt, une mère de famille de 52 ans, fervente coureuse ayant déjà participé au marathon de Boston. Alors qu’elle fait son jogging sur Quail Run Drive, il la percute avec sa voiture et l’oblige à monter avec lui. Il la tue, abuse du corps et le mutile, à nouveau, avec un couteau. Il finit par l’allonger dans le coffre de sa Chevy Cavalier blanche et l’y laisse toute la journée et toute la nuit, jusqu’à ce qu’il s’en débarrasse le lendemain. On retrouve finalement Schmidt au bord de l’autoroute 61 reliant le Minnesota à La Nouvelle-Orléans.
Près de six mois plus tard, le 12 novembre 1999, il s’en prend à Joyce Williams, 36 ans. Il l’accoste à Scotlandville et la fait monter dans sa voiture. Il confesse, au sujet de ce soir-là : « Elle regardait par-dessus le pont et m’a dit : « Si c’était quelqu’un d’autre, je serais en train de paniquer, mais vous avez l’air d’un bon gars » ». Gillis l’étrangle et la viole dans un champ de canne à sucre de Port Allen. Il finit par ramener le corps chez lui afin de lui découper les jambes sur le sol de sa cuisine. Williams est retrouvée près d’Iberville en janvier 2000.
DES PANTINS HUMAINS
Après c’est Lillian Robinson, 52 ans, qu’il tue par strangulation. Ses projets de démembrement sont contrariés par Terri Lemoine, qui, sur la fin de son service, s’apprête à rentrer. C’est un pêcheur qui trouve le corps nu de Robinson un mois plus tard, en février , dans le bassin d’Atchafalaya.
Marilyn Nevils, une travailleuse du sexe de 38 ans, monte dans son véhicule contre 10 dollars, ce 30 octorbe 2000. Après l’avoir tuée, il prend une douche à son domicile avec son corps. Il s’en débarrasse, à quelques kilomètres de là, au sud de Ben-Hur Road.
« Tu peux faire avec une femme morte ce que tu ne peux même pas rêver de faire avec une femme en vie », livre le successeur de Dahmer. C’est dans cette idée que trois ans plus tard, début octobre 2003, Gillis bat et étrangle son amie de longue date, Johnnie Mae Williams, 45 ans. A la manière d’un enfant qui joue avec une figurine, il positionne la dépouille selon sa volonté et la photographie, avant de commettre, à nouveau, des actes nécrophiles. Il ampute la mère de famille divorcée de ses mains afin de les ramener avec lui et de leur vernir les ongles. Son corps incomplet est découvert deux jours plus tard, dans un bois.
Enfin, le 26 février 2004, Gillis commet son dernier meurtre sur la personne de Donna Bennett Johnston, 43 ans. Après l’avoir étranglée, comme les autres, il la viole et la fait poser dans son coffre, pour une quarantaine de clichés. Il prélève l’un de ses mamelons et le tatouage de sa cuisse, pour finir par emporter son bras gauche, dont il utilise la main pour se masturber. Des habitants du quartier à la recherche d’un chien perdu tomberont sur son corps mutilé le lendemain.
Un matin, quand Gillis va chercher Terri, au travail, une odeur pestilentielle imprègne la voiture. Pressé de s’expliquer, il avance avoir heurté un animal sur la route et suggère qu’il doit encore rester du sang sur la carrosserie, d’où les reflux. Terri le somme de laver l’automobile. Elle ne pose pas davantage de questions mais le soupçonne, en parallèle d’être infidèle, au vu de ses nombreux déplacements nocturnes.
QUAND LES MEURTRES SÉRIELS DEVIENNENT RIVALITÉ
Au total, Gillis aura donc fait pas moins de huit victimes, entre mars 1994 et février 2004. Mais l’enquête sur ces meurtres est une tâche ardue pour les forces de l’ordre qui font face, à cette époque, à une vague d’homicides. En réalité, deux tueurs en série sévissent simultanément, dans le même périmètre. Le second meurtrier, Derrick Todd Lee, a fait sept victimes entre 1992 et 2003. Il est appréhendé le 27 mai de cette même année et sera condamné à la peine capitale. On découvrira que Gillis suivait le parcours criminel de celui qu’il considérait comme son rival, allant jusqu’à lui créer un fichier dédié sur le disque dur de son ordinateur. C’est pourquoi Gillis est surnommé par la presse « l’autre tueur de Bâton Rouge ».
C’est une trace de pneu, laissée dans de la boue en avril 2004, près du corps de Donna Bennett Johnston, qui met les enquêteurs sur la bonne piste. Après avoir réalisé un moulage et pu déterminer avec exactitude le modèle de pneu concerné, on contacte chaque acheteur de la région et on prélève leur ADN. L’échantillon de Gillis correspond à celui trouvé sur Katherine Hall, Johnnie Mae Williams et Donna Bennett Johnston.
« PARDON MON LAPIN »
Gillis est arrêté et son domicile, perquisitionné. Des scies, plusieurs couteaux, une machette, des serre-câbles en plastique ainsi que des disques durs externes contenant des documents nécrophiles et une cinquantaine de photos de corps mutilés sont découverts. Gillis avoue dans les heures qui suivent, expliquant aux agents comment il utilisait une combinaison de charme et d’argent pour attirer ses victimes dans son véhicule.
Se revendiquant opportuniste, le Louisianais n’en reste pas moins réfléchi, avouant favoriser des passages à l’acte avant qu’il pleuve, de manière à se débarrasser des preuves. Il reconnaît aussi avoir conservé différentes parties de ces femmes, chez lui, comme souvenirs stimulants et trophées. Les enquêteurs rapportent que l’accusé plaisante ouvertement au sujet des démembrements ou encore des actes de cannibalisme et de nécrophilie commis sur les corps de ses victimes.
Lemoine rend visite à son conjoint le lendemain dans le but d’obtenir des réponses. « As-tu fait les choses dont ils ont parlé ? As-tu tué ces femmes ? Il m’a regardée, a levé les épaules, et a dit « Pardon mon lapin ». J’ai posé le combiné, me suis tournée et suis partie », se souvient-elle. « Ne pensez jamais que vous savez tout sur quelqu’un. Jamais ».
SF, PÉTARDS ET VOYEURISME : UNE JEUNESSE MARQUÉE PAR L’ABANDON
Sean Vincent Gillis, né le 24 juin 1962 à Bâton Rouge, est fils unique. Son père était un homme alcoolique qui multiplie les internements en établissement psychiatrique. Il va jusqu’à menacer son fils et sa femme avec une arme à feu avant de prendre la décision d’abandonner sa famille. Le jeune Sean est donc élevé, en partie, par ses grands-parents. Sa mère est contrainte de travailler à plein temps pour une chaîne de télévision locale afin de subvenir à leurs besoins. Gillis est scolarisé dans une école paroissiale, dans laquelle il obtiendra des notes moyennes.
Adolescent, bien que traînant une image de garçon bizarre, il est toujours accompagné de deux amis fidèles, avec lesquels il passe le plus clair de son temps à parler musique et Star Trek. Plusieurs témoins rapportent déjà une personnalité explosive, pouvant faire preuve de crises de colère. A 17 ans, il est arrêté pour conduite en état d’ivresse, possession de marijuana et outrage au tribunal.
Il vit avec sa mère jusqu’en 1992. Elle décide de quitter la ville pour un nouveau job sur Atlanta et Gillis refuse de la suivre. Elle continue de lui envoyer de l’argent pour l’aider à vivre et lui laisse la maison mais la colère du trentenaire, seul pour la première fois de sa vie, se retourne contre elle. Lui qui n’a, alors, plus la crainte de voir sa mère débarquer, voit son intérêt pour la pornographie s’accroître, jusqu’à visionner du contenu nécrophile. A côté de cela, il fume beaucoup d’herbe et développe une passion pour le voyeurisme, scrutant les fenêtres de chambre des femmes du voisinage.
DES CONFESSIONS GLAÇANTES
Les meurtres sexuels de Gillis le différencient de la plupart des tueurs en série, notamment par l’absence de profil type chez les victimes choisies : écart d’âge (vingtaine/quatre-vingt ans), couleur de peau (Caucasiennes/Afro-Américaines), origine socio-économique (quartiers défavorisés/aisés), proximité (inconnues/amies). Il soutient avoir commencé à tuer à cause du « stress » et justifie les cinq années de pause par le simple fait qu’il ait été « heureux » à cette époque.
Ce qui lui plaît ? Disposer des corps, post mortem, comme il l’entend. Il confesse aimer particulièrement jouer avec les mains de ses victimes. Pendant ses nombreux entretiens, l’auteur présumé avoue même nourrir des fantasmes incestueux avec sa mère : « Je pense que si elle était décédée vous m’auriez retrouvé au lit avec elle ». « Oui, je sais distinguer le bien du mal aussi bien que vous, mais il y a certains moments où […] c’est comme si ça n’avait plus d’importance », reconnaît-il dans une tentative d’éclaircir ses actes. Gillis déclare ne pas véritablement comprendre la raison qui le pousse à mutiler les corps. Au sujet des démembrements, il admet : « Il doit y avoir quelque chose de profond dans mon subconscient qui a vraiment besoin de ce genre d’action macabre ».
CONDAMNATION DE CELUI QUI ÉTAIT HORS DE TOUT SOUPÇON
D’abord inculpé pour les meurtres de Hall, Williams et Johnston, il est jugé pour ces crimes le 21 juillet 2008 et est condamné à perpétuité, peine incompressible. Il avouera également, sans grande contrainte, les cinq meurtres restants. À ce jour, il a été condamné pour sept d’entre eux.
Depuis son incarcération, Gillis a exprimé des remords, à de multiples reprises. Aujourd’hui âgé de 62 ans, il est enfermé au pénitencier d’État de Louisiane, une prison de sécurité maximale surnommée « l’Alcatraz du sud ». « Le Sean que j’ai connu est mort, je ne connais pas cette personne qui est en prison », livreTerry Lemoine, au sujet de son ex-conjoint.
On se retrouve dans « Portraits Criminels par Swen » tous les premiers vendredis du mois pour une nouvelle affaire. En attendant, vous pouvez accéder à différents dossiers criminels, sous la forme de vidéos documentaires, sur la chaîne Youtube : Swen True Crime.
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